Peter STRAUB
Le Club de l'enfer JJJJ
Plon
489 pages, 139 francs

 
 
 

    S'il existe un auteur qui se bonifie avec l'âge comme le bon vin, c'est sûrement Peter Straub qui l'incarne. Depuis Ghost Story, chacun de ses romans est pour moi un événement et la promesse de passer un bon moment. Non, c'est bien plus que la promesse d'une distraction, c'est la certitude d'être bouleversé. Quand on ouvre un bouquin de Straub, on n'a pas l'assurance d'en ressortir indemne. Les univers de Straub sont si précis, si véridiques que l'on a l'impression d'en faire partie comme un spectateur. Commencer un de ses livres, c'est un peu comme plonger en apnée : entrer dans un monde à la fois intemporel et pourtant si réel. Et Le Club de l'enfer est à ce titre diabolique tant il entraîne le lecteur dans une spirale infernale où plus ne compte qu'une seule chose : connaître le dénouement de cette histoire effarante.
 
    Nora Chancel est une femme de cinquante ans dont la vie conjugale n'est pas une réussite. Mariée à l'héritier d'une grande famille ayant fait fortune dans l'édition, elle est rejetée par son beau-père qui ne l'accepte pas et elle est délaissée par son mari, personnage fade et sans ambition qui vit sous la coupe d'un père dominateur. Nora est d'autant plus sur la brèche qu'un serial killer sévit dans sa ville, laissant derrière lui des cadavres de femmes atrocement mutilés.
 
    C'est dans cette atmosphère pesante et imbibée de menaces qu'elle découvre peu à peu le lourd secret que dissimulent les Chancel depuis une cinquantaine d'années. Tout semble tourner autour du Voyage dans la nuit, un livre mythique qui a fait la fortune de la maison d'édition de son beau-père. Qui est réellement Hugo Driver son auteur ? Que s'est-il passé en juillet 1938 dans le cottage de Shorelands où une pléaïde d'écrivains étaient réunis et où un seul d'entre-eux, Hugo Driver, a survécu ? Au fur et à mesure de ses investigations, Nora réveillera des vieux démons et devra mettre sa vie en péril pour faire triompher la vérité, et quelle vérité.
 
    Amateurs de fantastique pur avec ses monstres baveux et ses créatures repoussantes, passez votre chemin. Mais je peux vous assurer que vous manquez un chef-d'oeuvre de la terreur. La peur n'est pas obligatoirement liée au surnaturel mais aussi à la réalité et Straub est passé maître dans l'art de nous la rendre on ne peut plus réelle. Jamais la tension ne baisse d'un iota car Straub possède l'art de mener le lecteur en bateau, de lui faire vivre les frayeurs et les douleurs que ressentent ses personnages. Son perfectionnisme, surtout dans l'élaboration des personnages, fait du Club de l'enfer une de ses meilleures réussites, réussite qui conjugue habilement suspense et terreur. Cette terreur doit beaucoup au personnage de Dick Dart, l'un des plus horribles et fascinants tueurs en série depuis un certain Hannibal Lecter. Le Club de l'enfer se révèle donc comme l'un des romans à acheter en cette année 1998. Alors que faîtes-vous encore devant votre écran...
 

Obscure Mandragore.