S'il existe un auteur qui se bonifie avec l'âge comme le bon vin,
c'est sûrement Peter Straub qui l'incarne. Depuis Ghost Story,
chacun de ses romans est pour moi un événement et la promesse
de passer un bon moment. Non, c'est bien plus que la promesse d'une distraction,
c'est la certitude d'être bouleversé. Quand on ouvre un bouquin
de Straub, on n'a pas l'assurance d'en ressortir indemne. Les univers de
Straub sont si précis, si véridiques que l'on a l'impression
d'en faire partie comme un spectateur. Commencer un de ses livres, c'est
un peu comme plonger en apnée : entrer dans un monde à la
fois intemporel et pourtant si réel. Et Le Club de l'enfer
est à ce titre diabolique tant il entraîne le lecteur dans
une spirale infernale où plus ne compte qu'une seule chose : connaître
le dénouement de cette histoire effarante.
Nora Chancel est une femme de cinquante
ans dont la vie conjugale n'est pas une réussite. Mariée
à l'héritier d'une grande famille ayant fait fortune dans
l'édition, elle est rejetée par son beau-père qui
ne l'accepte pas et elle est délaissée par son mari, personnage
fade et sans ambition qui vit sous la coupe d'un père dominateur.
Nora est d'autant plus sur la brèche qu'un serial killer sévit
dans sa ville, laissant derrière lui des cadavres de femmes atrocement
mutilés.
C'est dans cette atmosphère
pesante et imbibée de menaces qu'elle découvre peu à
peu le lourd secret que dissimulent les Chancel depuis une cinquantaine
d'années. Tout semble tourner autour du Voyage dans la nuit,
un livre mythique qui a fait la fortune de la maison d'édition de
son beau-père. Qui est réellement Hugo Driver son auteur
? Que s'est-il passé en juillet 1938 dans le cottage de Shorelands
où une pléaïde d'écrivains étaient réunis
et où un seul d'entre-eux, Hugo Driver, a survécu ? Au fur
et à mesure de ses investigations, Nora réveillera des vieux
démons et devra mettre sa vie en péril pour faire triompher
la vérité, et quelle vérité.
Amateurs de fantastique pur avec ses
monstres baveux et ses créatures repoussantes, passez votre chemin.
Mais je peux vous assurer que vous manquez un chef-d'oeuvre de la terreur.
La peur n'est pas obligatoirement liée au surnaturel mais aussi
à la réalité et Straub est passé maître
dans l'art de nous la rendre on ne peut plus réelle. Jamais la tension
ne baisse d'un iota car Straub possède l'art de mener le lecteur
en bateau, de lui faire vivre les frayeurs et les douleurs que ressentent
ses personnages. Son perfectionnisme, surtout dans l'élaboration
des personnages, fait du Club de l'enfer une de ses meilleures réussites,
réussite qui conjugue habilement suspense et terreur. Cette terreur
doit beaucoup au personnage de Dick Dart, l'un des plus horribles et fascinants
tueurs en série depuis un certain Hannibal Lecter. Le Club de
l'enfer se révèle donc comme l'un des romans à
acheter en cette année 1998. Alors que faîtes-vous encore
devant votre écran...